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rencontres littéraires

Suzanne BOCHATAY-CRETTEX, professeure de français

Jérôme FERRARI écrivain

© Romaine CRETTENAND-SIERRO

Ils étaient cent, puis, la seconde fois, plus du double. Ils affichaient une mine réjouie, des feuilles griffonnées de questions, des livres posés sur leurs genoux. Sur la couverture de ceux-ci étaient inscrits les titres suivants : La Panthère des neiges et Vie de Gérard Fulmard. Ils étaient dans l’expectative qu’arrive celui qu’ils avaient attendu, qu’ils avaient lu et dont ils avaient parlé depuis plusieurs semaines.

Pour les étudiants du LCP, l’heure était à la rencontre avec une figure mythique, un peu abstraite et intimidante : l’écrivain. Le 31 janvier, il s’incarnait dans les traits de Sylvain TESSON ; le 17 avril, dans ceux de Jean ECHENOZ.

Le 31 janvier 2024, des élèves de 2e, 4e et 5e année eurent l’opportunité de rencontrer Sylvain TESSON dans les murs de la Médiathèque. Un des auteurs les plus lus en France, vint en personne pour échanger avec les étudiants à propos de son périple sur les traces de la panthère des neiges. Ce fut l’occasion d’évoquer les étendues vierges du Tibet, la traque, la patience qui triomphe de tout, l’évanescence de l’apparition de la bête majestueuse, mais aussi de « l’usage du monde » pour reprendre les mots d’un Nicolas BOUVIER. Qu’est-ce que le cosmos avait à nous apprendre ? Comment en déceler la beauté magique – les « fées » – malgré la menace sous-jacente ? Comment ne pas laisser s’élever des « écrans » entre l’homme et l’univers ?… Rapidement, la panthère ne fut plus qu’un souvenir tant les mains se levaient pour interroger l’écrivain-voyageur sur ses pérégrinations, ses expériences, son rapport à la littérature. La polémique qui visait l’auteur dans l’Hexagone ne fut pas éludée, mais, loin d’être un plaidoyer pour ou contre lui, ce fut l’occasion de réfléchir sur le rôle des réseaux sociaux, sur la diffusion d’informations, sur l’art « de parler des livres qu’on n’avait pas lus » et sur le rôle du langage : celui qui fait vivre, et celui qui tue…

Jérôme FERRARI écrivain

© Romaine CRETTENAND-SIERRO

Le 17 avril, Jean ECHENOZ, un homme réservé, bien qu’au charisme certain, au sourire pince-sans-rire, attendait patiemment que s’installent les élèves – pour la plupart, de 4e et 5e année –, dans l’aula presque pleine. Une fois l’intervenant présenté, les remerciements d’usage prononcés, les questions fusèrent : « Pourquoi avoir choisi les éditions de Minuit ? » Réponse, presque immédiate : « ce sont plutôt les éditions de Minuit qui m’ont choisi. […] En désespoir de cause, je leur ai envoyé mon manuscrit, pensant agrémenter ma collection de lettres de refus. Et ça a marché ! ». D’emblée, le ton est donné : lucide, drôle et caustique à la fois. On apprécie la simplicité et l’humilité du personnage, qui semble s’amuser avec son auditoire autant qu’à travers ses livres. On passe en revue les ambiguïtés de son dernier roman, les rapports entre fiction et réalisme, entre littérature et cinéma… Si on tentait d’y voir plus clair et de tout rationaliser, c’est manqué : Jean ECHENOZ ne craint pas d’avouer qu’il n’avait pas prévu, tout pensé à l’avance. Ce qu’on en retient ? C’est que l’auteur donne au lecteur une œuvre qui désormais lui appartient et qu’il a le loisir d’interpréter à son gré. Et alors, qu’est-ce qu’un écrivain ? « Je ne sais pas. C’est quelqu’un qui écrit. Ce que j’ai envie d’écrire, c’est ce que j’aurais envie de lire. »

Une seule chose à souhaiter ? Que cette alchimie du verbe opère encore, et que les étudiants se rappellent combien la littérature est une affaire d’incarnation et d’humilité… !

Jérôme FERRARI écrivain

© Nadia REVAZ

Jérôme FERRARI écrivain

© Nadia REVAZ

Lycée-Collège cantonal de la Planta - Rapport annuel