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Le mot de la Rectrice aux maturistes

Par Romaine CRETTENAND-SIERRO, rectrice

M. Francis Rossier, Recteur

© Studio Bonnardot

Dès son enfance, elle se passionne pour les livres d’aventures et les cartes géographiques.

Elle découvre bientôt le Léman et apprend à barrer des voiliers de plus en plus lestés en compagnie d’une de ses amies d’enfance. Sur ce lac, elle s’invente des aventures à la Jack London. Mais très vite, le lac ne suffira plus, il faudra prendre la mer…

À tout juste 20 ans, elle réalise sa première navigation aventureuse, à la voile et sans moteur. Cap sur la Corse ! C’est la première fois qu’un si petit bateau fait la traversée…

En 1924, elle barre pour la Suisse aux régates olympiques de Paris. Seule femme de la compétition, elle termine neuvième sur dix-sept participants dans la catégorie Voile en solitaire.

En 1926, elle tente de rééditer l’exploit d’Alain Gerbault, traverser l’Atlantique à la voile. L’aventure doit malheureusement être abandonnée et cela met fin à son rêve de vivre en mer…

Dès 1930, elle mène une vie de nomade. Elle parcourt l’Afghanistan, le Népal, l’Iran, l’Ouzbékistan, le Cambodge, le Bhoutan, le Ladakh, la Turquie, le Yémen, la Corée, la Chine…

De ses voyages, elle ramène des clichés photographiques et des récits qui attesteront de son intérêt pour l’Autre, de son regard sur le monde, mais aussi de son incroyable talent de photographe.

En 1946, elle rentre en Europe et s’établit dans le Val d’Anniviers à Chandolin. Elle y passera six mois par an.

Elle, c’est Ella Maillart. Elle donnera son nom à notre nouveau collège, actuellement en construction juste à côté du Cours Roger Bonvin.

Ella Maillart est une femme très inspirante…

Inspirante tout d’abord pour toutes nos étudiantes. En effet, elle leur prouve qu’une femme doit suivre ses passions et que sa place est là où elle a décidé d’être. À une époque où la femme est plutôt attendue à la cuisine qu’à la barre d’un bateau, elle répond à une annonce parue dans le Times où le propriétaire d’un yacht cherche quelqu’un à qu’il puisse donner des cours de navigation en vue d’un départ imminent. Elle postule sans préciser son genre. Le colonel Jack Fane Benett-Stanford s’attend à trouver un matelot lorsqu’il lui donne rendez-vous pour une première rencontre, et non pas une jeune femme vêtue d’un manteau en peau de phoque et coiffée d’un chapeau de cow-boy… Elle dira plus tard : « Je suis une fille, mais je demeure persuadée que la chose en soi est sans importance tant il est vrai que tous les marins se ressemblent et que je suis marin d’abord et avant tout. »

Ella Maillart est inspirante également pour tous nos maturistes qui repartiront ce soir leur matu en poche, avec toute une série de possibles qui s’ouvrent devant eux…

Inspirante, car c’était une femme qui n’avait peur de rien, qui faisait preuve de courage et de détermination face aux défis physiques de ses expéditions maritimes ou de ses voyages. Ella Maillart était bien plus qu’une voyageuse. Elle était une aventurière dans l’âme, elle s’est lancée dans des expéditions audacieuses à travers des terres inconnues.

Chers maturistes, ce courage et cette détermination, vous allez en avoir besoin dans votre futur parcours estudiantin et professionnel. Certains d’entre vous ont choisi l’EPFL ou l’ETH, d’autres une université, d’autres encore une haute école de musique… Vous allez enfin pouvoir étudier les branches qui vous plaisent, vous spécialiser dans un domaine. Ceci est bien sûr très enthousiasmant. Mais ce ne sera pas facile pour autant : le rythme de travail sera souvent très soutenu, vous allez rencontrer l’anonymat des grands auditoires, vous aurez une relation plus distanciée avec vos professeurs, et probablement moins de soutien direct. Il va donc falloir trouver les ressources en vous, garder le cap dans les moments difficiles, et ne jamais oublier qu’avec ce que vous avez reçu durant ces cinq années de collège, vous êtes bien préparés.

Ella Maillart était aussi une femme inspirante, car elle avait son caractère et savait où elle voulait aller. Personne ne pouvait choisir sa voie à sa place, personne ne pensait à sa place, elle traçait sa route…

Durant ces cinq ans de collège, nous vous avons offert un cadre dans lequel vous avez pu développer votre savoir tant dans les branches littéraires que scientifiques. Vous avez acquis un solide bagage de généraliste. Si durant les premières années, le par cœur était encore présent, les contrôles fréquents, si les branches vous semblaient cloisonnées, avec les années tout cela a laissé la place à la réflexion, à l’apprentissage interdisciplinaire. Vos professeurs vous ont aidés à structurer votre pensée, à développer votre esprit critique, à toujours mettre les choses en perspective, à vous fier et à construire vos connaissances sur des sources fiables… À l’heure où un certain savoir est à portée d’un ou deux clics, à l’heure où les réseaux sociaux diffusent un savoir immédiat, souvent pauvre en réflexion, parfois incorrect, souvenez-vous que l’intelligence s’acquiert lentement, avec du travail et de la réflexion, et que déléguer l’acquisition de connaissances à un ordinateur, à une intelligence artificielle n’est certainement pas la voie à suivre…

Ella Maillart était également inspirante, car elle faisait preuve d’une ouverture et d’une curiosité remarquables sur le monde et ses différentes cultures. C’était l’une des figures féminines les plus emblématiques du voyage au XXe siècle. Elle voulait explorer, comprendre et documenter le monde avec une curiosité insatiable. Elle n’a pas simplement voyagé pour découvrir des paysages, elle souhaitait partir à la rencontre de l’inconnu, à la rencontre d’autres cultures, d’autres religions.

Durant ces cinq années de collège, nous n’avons jamais cessé de vous proposer cette ouverture sur le monde… Par le biais de spectacles ou conférences auxquels vous avez pu assister, par le biais d’expositions que nous vous avons fait visiter, mais aussi par le biais d’un certain nombre de projets d’établissements qui nous tiennent à cœur. Les rencontres littéraires, qui vous ont permis d’aborder des auteurs d’envergure internationale : ces dernières années, vous avez peut-être eu la chance de rencontrer Mathias Enard, Jérôme Ferrari, Sylvain Tesson ou Jean Echenoz… Des auteurs qui rendent la littérature vivante plus que jamais, des auteurs qui dans leurs romans parlent de notre monde avec leur propre regard.

D’autres projets d’établissements méritent d’être mentionnés : la journée consacrée à la transition énergétique, les journées culturelles qui vous ont permis de réfléchir à une thématique à travers différents angles, et à travers de nombreux ateliers pratiques. Également le Forum annuel de la Planta, qui vous permet de participer à une Assemblée générale de l’ONU, de mieux comprendre quelques-uns des enjeux auxquels le monde contemporain est confronté, de représenter le point de vue d’un pays qui n’est pas le vôtre, vous donnant ainsi l’occasion de vous mettre à la place de l’autre…

Chers maturistes, vous êtes aujourd’hui au seuil d’une nouvelle grande étape. Comme Ella Maillart, ne doutez pas, soyez aventureux, courageux, déterminés, passionnés et curieux.

Et surtout, ayez toujours un regard ouvert sur le monde….

© Studio Bonnardot

Lycée-Collège cantonal de la Planta - Rapport annuel